Tenues samedi 27 septembre 2025, les élections couplées, législatives et locales ont été marquées par une organisation bâclée, des fraudes massives signalées ça et là et le cafouillage qui en a résulté. A telle enseigne que des voix s’élèvent désormais, y compris chez les alliés du pouvoir pour demander l’annulation pure et simple d’un scrutin considéré comme indigne de la nouvelle gouvernance du Gabon proclamée à cor et à cri.
De Libreville, Ntoum, Kango, Mitzic, Oyem, Ndende, Moabi, Port-Gentil en passant par Dienga, des vidéos très vite relayées dès le début des élections ont inondé les réseaux sociaux. Tournées par des citoyens, des électeurs mécontents des actes de tricherie, elles montrent des bourrages d’urnes, des bureaux de vote saccagés ou bloqués, soit par des candidats dont les bulletins de vote n’existaient pas, soit par des électeurs autochtones dénonçant la présence des boeufs votants, c’est-à-dire des électeurs non originaires de ces localités, mais transportés et débarqués le jour même du scrutin par certains candidats déterminés à faire carton plein. La pratique est bien en vogue au Gabon où des électeurs inconnus, souvent venus de Libreville, la capitale, sont parqués dans des bus comme du bétail électoral, débarqués dans des localités où ils n’ont aucun lien familial. Au village de la ministre de l’Education nationale, Camélia Ntoutoume Leclerq par exemple, une vidéo devenue virale sur Facebook montre ses autochtones très remontés, empêchant, menaçant et tenant à l’écart des électeurs soupçonnés d’être des boeufs votants. Même constat à Ndendé dans le sud-est du Gabon pour le ministre de l’Environnement, Mays Mouissi où on a noté une file interminable des Coasters, minibus venus de Libreville pour le transport des fameux bœufs votants. Ce qui lui aurait permis de l’emporter face à Yves Fernand Manfoumbi du PDG au 2e siège de la Dola, qui était très disputé entre les deux. À Mitzic dans le département de l’Okano (nord du pays), des vidéos montrent des électeurs en colère, tentant de bloquer le convoyage des urnes sans dépouillement et affichage préalable des procès-verbaux comme le prévoit le code électoral.
Procurations, machine à frauder ?
Mais le point le plus culminant de cette fraude massive semble avoir été le vote par procuration, manifestement très mal géré par certaines commissions électorales. Ce qui a donné des idées à certains états-majors. A Moabi dans le département de la Douigny (sud-ouest), le vote a été gravement perturbé par certains candidats qui dénonçaient la mauvaise gestion de ces procurations au profit de l’UDB, l’union démocratique des Bâtisseurs au pouvoir. Même constat à Oyem, la capitale provinciale du Woleu-Ntem (nord du pays) où une vidéo montre un pick-up de l’Etat, stationné à proximité d’un bureau de vote et dans lequel une équipe fabriquait frauduleusement des procurations, toujours au bénéfice de l’UDB dont tous les candidats où presque ont été élus dès le premier tour. C’est d’ailleurs la seule province où le second tour ne concerne qu’un seul siège, notamment au 2e siège de Ntem, entre l’UDB et un indépendant. Ce qui contraste avec la tendance nationale où les ballottages sont légion dans les huit autres provinces. Dans certains bureaux de vote à Libreville la capitale du pays, des vidéos des électeurs s’offusquent de la disparition des bulletins d’autres candidats et des consignes à eux données séance tenante par les scrutateurs de voter soit pour l’UDB, soit pour le PDG, l’ex-parti au pouvoir qui, dans certaines circonscriptions va même en tandem avec l’UDB.
Corollaire d’une organisation bâclée
Mais toute cette pagaille n’est à l’évidence que le corollaire d’un scrutin mal organisé par le ministère de l’Intérieur qui n’a respecté la loi électorale que par endroits. Entre une révision opaque du fichier électoral, avec à ce jour, le nombre inconnu de nouveaux électeurs, le cafouillage de la liste des candidatures qui apparaissaient et disparaissaient sans raison valables, des cartes d’électeurs distribuées le jour même des élections, des scrutateurs sachant à peine lire et écrire, incapables de calculer les pourcentages obtenus par les candidats et donc des PV mal remplis, parfois contradictoires, tous les ingrédients étaient réunis pour faire de ce scrutin, un vrai échec électoral de la nouvelle gestion du pays qu’on récite à souhait comme une mécanique, un slogan vide. Et la large victoire de l’union démocratique des Bâtisseurs et qui se retrouve presque dans tous les ballottages au second tour, ne passe pas pour les nombreux acteurs politiques, y compris même les partisans du pouvoir qui appellent désormais à l’annulation pure et simple du scrutin, même si le vice-président de la République, Séraphin Moundounga, lui salue plutôt des élections bien tenues. Des élections qui étaient censées tourner la page de la transition amorcée au lendemain du coup d’État mené par Oligui Nguema contre Ali Bongo et consacrer ainsi une entrée triomphante du Gabon dans la cinquième République. Ce qui semble mal parti, ou disons plutôt prodromique pour l’avenir d’un pays, visiblement abonné à une malédiction électorale chronique et qui depuis plus de 30 ans, peine à organiser des élections propres, sans bavure, même après le départ d’Ali Bongo jusqu’ici présenté comme le mal absolu du pays.
Leno Koleba
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