Les décharges : greniers à ciel ouvert
Ils sont de nombreux Gabonais qui, réduits à l’extrême précarité, prennent d’assaut les décharges publiques pour se faire leur pitance. C’est la seule parade qui s’offre à eux dans cette société ultra-libérale qui les prive de toute perspective et fait d’eux des facteurs résiduels, voire jetables.
Chaque jour que Dieu bricole, comme des ‘’zombies’’ ou des loques, à en juger par leurs costumes abimés, le regard hagard qui nous rappellent les films d’horreur de Tobe Hooper, et des scènes théâtrales sur les planches, ils remuent des tonnes de détritus à la recherche de quoi survivre. La poubelle nourrit grand monde.
Lorsque vous mettez vos pieds en ces lieux, ils remarquent que vous n’êtes pas des leurs, vous n’êtes pas le bienvenu. Ils sont furax, surtout ne posez pas de question sur leur territoire qui, de leur point de vue, est sous contrôle, une sorte de ‘’zone autonome temporaire’’, comme le dit si bien Peter Lamborn Wilson dit Akim Bey dans son ouvrage.
Il en est même qui vivent dans ces décharges devenues leurs habitats avec tout ce que cela comporte comme risque de contagion microbienne. Surtout que les déchets biomédicaux y sont également déversés
Les décharges publiques deviennent un grenier à ciel ouvert où ils se servent volontiers sans sortir un sous. Si l’Etat ne peut leur donner le minimum vital, les dépotoirs deviennent l’alternative de survie. Ils y trouvent toute la gamme de produits dont un humain a besoin pour son confort. Matelas, linges, chaussures, ustensiles de cuisine, appareils électroménager, vivres frais, boîtes de conserve, bref, tout ce que les commodités urbaines peuvent offrir.
Les décharges de Mindoubé et du PK 27, brassent grand monde. Les scènes sont parfois violentes voire ahurissantes. On assiste parfois à des bagarres à l’arme blanche lorsque des camions arrivent déverser les ordures. On se bouscule pour discuter les vivres arrivés à leur date de péremption.
Les cartons de viande fraiche, de volailles avariées sont recyclés. Les victuailles sont récupérées puis fumées et écoulées sur le marché. On y trouve de la volaille fumée, des cotis de porcs fumés, des queux de bœufs fumées, du maquereau fumé, sortis droit des décharges.
Les consommateurs n’ont aucune idée de la provenance des produits qu’ils achètent et consomment. Ils sont loin d’imaginer que ce qui leur est proposé sur le marché sort droit des décharges publiques. La santé des Gabonais est engagée ! Oh pôvres consommateurs ! B’jour les ordonnances ! B’jour les hôpitaux ! B’jour Mindoubé (le cimetière) ! Comme quoi tout ce qui vient de Mindoubé retourne à Mindoubé !
Ainsi se développe l’économie souterraine.
Les produits avariés, jusqu’à un passé récent, étaient soit enterrés ou incinérés. C’était la donne. Aujourd’hui, ils sont déversés en plein air. Une aubaine pour de nombreux Gabonais démunis mais qui ignorent tout des risques encourus. Pourquoi l’Agence Gabonaise de la Sécurité Alimentaire(AGASA), n’incinère pas au pétrole ou à l’essence ces produits avariés ? Et même les enterrer n’est pas la solution puisque les populations les déterrent systématiquement.
La pauvreté au Gabon a atteint son point culminant. Comment comprendre qu’avec une population d’un peu plus de deux millions d’habitants, petit émirat pétrolier soutenu par une forte densité carbone en pleine forêt équatoriale, on peine à trouver le minimum vital pour tous ces compatriotes qui, pour survivre, vont à la décharge ?
Si l’AGASA ne change pas son modus operandi, les opérations de terrain ayant épinglé SAN GEL et Foberd, n’auront servi à rien.