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Libreville
17 avril 2025

Le maquis intellectuel de Timothée Mémey

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Le Gabon face à ses absurdités

Pour briguer l’élection présidentielle, à la lumière du nouveau code électoral, il faut parler au moins une langue nationale, être marié à un ou une gabonaise.

J’ai comme l’impression que ceux qui ont incéré ces deux dispositions dans le code électoral vivent non pas au Gabon mais sur la planète Vénus et ignorent tout de nos réalités. Même s’il est vrai qu’Alain Bernard Bongo et son épouse ne parlaient aucune langue du terroir, ce qui a motivé cette disposition obligeant tout candidat à parler au moins une langue du pays, mesure inspirée par le dialogue d’Agondjé d’avril 2024. L’exemple de ce couple, qui serait un accident de l’histoire, ne devait pas influencer notre code électoral jusqu’à en faire un cas d’école. Et puis, en quoi le fait de ne pas maîtriser un de nos patois serait à l’origine de leur échec à la tête du pays ?

Le parler local suppose qu’on a été initié soit à l’école ou dans le milieu familial.

Les langues maternelles ne sont pas étudiées dans nos établissements scolaires faute de volonté politique. L’Institut pédagogique national (IPN) n’a pas encore conçu des contenus, des livres et dictionnaires, des outils visant l’initiation des apprenants aux langues locales. Comment alors dans ce cas avoir la maîtrise de nos expressions ?

Aujourd’hui, de nombreux gabonais vivent dans des familles recomposées dont les parents eux-aussi issus des melting-pots, n’ont aucune maîtrise de nos idiomes. Leurs progénitures vivant dans un environnement linguistique hétéroclite et dont la langue française sert de langue véhiculaire, trainent donc ce handicap.

Reconnaissons-le, les politiques publiques en matière d’appropriation de nos cultures ont failli sur toute la ligne.

Au Gabon, il y a des décennies, des linguistes voulaient faire du Tsogo, une langue nationale. Ils partaient du principe que toute nation plante ses racines sur un mythe fondateur. Et le Bwiti constituant le socle consensuel avec le Tsogo comme langage parlé par toutes les ethnies du Gabon ayant adopté ce rite initiatique ; le Tsogo avait été retenu comme langue nationale. Mais le projet fut étouffé dans l’œuf.

Les colons, aidés par les prêtres dans leur mission faussement civilisatrice, avaient réussi à nous acculturer. Diabolisées, nos langues étaient condamnées à disparaître.
Dans les années pré ou post indépendance, dans cette même veine ‘’complo-tiste’’, il était strictement interdit de parler son patois en classe et dans les airs de jeux.

Tout transgresseur était condamné à porter ce qu’ils appelaient ‘’le symbole’’, un collier sur lequel était accroché un crâne d’animal que le supplicié arborerait tout au long de la journée de cours. Il devenait ainsi l’objet de raillerie pour ses collègues.
Parler les langues locales était même perçu comme un handicap à l’intégration à la vie urbaine sinon le signe d’un atavisme villageois qu’il fallait gommer. Et nombreux qui ont connu cette époque, ont grandi avec de tels stigmates dont ils avaient, pour certains, du mal à se défaire.

L’autre disposition devant être expurgée de l’actuel code électoral, que le candidat soit marié à un ou une gabonaise. Tous ceux qui sont liés à des étrangers et les célibataires en sont donc disqualifiés.

Pour contourner cette situation qui fâche, il ne serait pas surprenant qu’à l’avenir, à l’approche d’une présidentielle, on assiste à des mariages blancs ou à des contrats financés rubis sur ongle. Si quelqu’un n’a pas trouvé une âme sœur gabonaise pour en faire son époux ou son épouse, il doit bidouiller une union même avec le premier ou la première venue. Je comprends que l’Institution qu’est le mariage est sacralisée en pays bantu et dans les pays de tradition judéo-chrétienne, mais de là à l’imposer aux candidats à la présidentielle, est assez osé. Etre célibataire est un choix de vie.

Du coup, sont aussi exclus, les membres de la communauté LGBT dont l’orientation sexuelle est un handicap dans l’entendement des concepteurs du nouveau code électoral. Bertrand Delanoë alors maire de Paris, homosexuel après son coming-out, avait-il failli aux devoirs de sa charge pour autant ?

A dire vrai, j’éprouve un mal fou à cerner les motivations de ceux qui ont pondu pareilles inepties qui mettent à la touche célibataires, mariés à un étranger ou à une étrangère, ceux qui ne parlent pas une langue nationale, homosexuels, dont les statuts n’altèrent pourtant en rien leurs facultés cognitives pour gérer un pays.

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