Ce qui devait s’imposer comme le procès du siècle au Gabon semble finalement avoir tourné court. Les critiques contre la justice gabonaise se multiplient, accusant ouvertement le régime d’Oligui Nguema d’ingérence politique. Observateurs de la scène publique, acteurs de l’opposition et membres de la diaspora convergent pour dénoncer une justice de façade. La Coalition pour la Nouvelle République (CNR) est allée plus loin encore, qualifiant l’audience de « parodie judiciaire ».
Selon Vincent Moulengui Boukossou, cadre de la CNR, la procédure visant les Bongo Valentin et leurs co-accusés souffrirait de lacunes majeures, en raison notamment de son caractère sélectif. Il déplore que les soupçons d’enrichissement illicite, pourtant essentiels dans les enquêtes anticorruption, n’aient été appliqués qu’à un nombre réduit de personnes. La crédibilité de la Cour Criminelle Spéciale aurait été mise à rude épreuve lorsqu’un prévenu a évoqué à la barre de possibles complices de haut rang : l’ancien chef de l’État, des directeurs généraux des administrations financières et d’anciens responsables institutionnels.
Pour la coalition, le box des accusés donnait l’impression d’être anormalement clairsemé. Plusieurs hauts cadres toujours en fonction — certains occupant même des postes stratégiques dans la 5ᵉ République — étaient absents alors qu’ils auraient, selon le CNR, contribué à l’effondrement des finances publiques et de l’État de droit.
La coalition établit un parallèle entre ce procès et ceux menés sous le régime Bongo, comme l’opération « Mambà » en 2017 ou « Scorpion » en 2019, présentées à l’époque comme des initiatives majeures contre les détournements massifs de fonds publics.
« En réalité, ces opérations n’ont rempli qu’une partie de leurs promesses, débouchant sur une justice fragmentaire et spectaculaire », explique le porte-parole improvisé. Il ajoute que les biens saisis n’ont jamais été véritablement restitués à l’État, demeurant aux mains des mis en cause et d’un réseau opaque d’acteurs qui, aujourd’hui, n’hésitent pas à s’exprimer sans retenue. Selon lui, ces opérations ont ouvert la voie à une justice instrumentalisée, dominée par l’émotion et les calculs politiques plutôt que par le droit.
Le porte-parole poursuit en soulignant que les aveux des prévenus — détaillant détournements, décaissements douteux et primes exorbitantes — ont profondément choqué l’opinion publique, d’autant plus que, durant cette période, salaires, avancements et recrutements dans la fonction publique étaient gelés sous prétexte de crise financière. Pour le CNR, l’absence de nombreux hauts responsables parmi les témoins, voire parmi les accusés, suscite de sérieuses interrogations quant à la volonté réelle de dévoiler l’ensemble du système de prédation ayant appauvri le peuple gabonais et freiné le développement national.

La coalition estime que l’ampleur des révélations constitue un crime contre le peuple. Une justice crédible, affirme-t-elle, ne devrait pas se contenter de condamner de simples exécutants, mais traquer l’ensemble des commanditaires, complices et bénéficiaires, y compris au sein des sphères les plus élevées des pouvoirs passé et actuel.
Elle rappelle également qu’Ali Bongo, son épouse et son fils auraient quitté le pays dans le cadre d’un arrangement validé par l’actuel président. Dès lors, la déclaration de ce dernier affirmant publiquement que « les Bongo ont fui » nuirait à sa crédibilité et laisserait entrevoir une manœuvre trompeuse dont le peuple gabonais serait le premier lésé.
Maintenant que les condamnations ont été prononcées, la CNR demande la publication au Journal officiel du transfert à l’État des biens saisis ainsi que le versement au Trésor public des sommes confisquées. Une transparence, dit-elle, qui a fait défaut depuis le début de la transition.
Cette prise de position met en lumière les doutes persistants quant à la transparence de la justice gabonaise et à la capacité du régime en place à instaurer une véritable rupture.
Tony





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