Si les entreprises chinoises et turques contrôlent une bonne partie des marchés publics pour la construction du gros œuvre, la part du loin revient, indiscutablement, à deux têtes de nœuds, Thalil Rihan et Seydou Kane, très introduits dans les plus hautes sphères décisionnelles. Les deux hommes qui ont bâti leurs empires financiers dans des conditions troubles, brassent d’importants contrats dans le BTP, au détriment des PME gabonaises, totalement mises hors circuit.
Thalil Rihan, grand magnat dans le secteur du BTP, d’origine syro-libanaise, est le libanais le plus prospère et le plus puissant au Gabon. A la tête d’une chaîne d’entreprises, propriétaire de la SCIMK qui a racheté de nombreux bâtiments à Libreville, il est le bras droit de Pierre Duro, chef de mission de la Task Force. Une accointance coupable entre les deux hommes et qui met à mal la mission de la Task Force. Puisque cette entité est censée contrôler la régularité dans l’exécution des marchés publics. Ironie du sort, la Task force est hébergée dans l’un des immeubles appartenant à l’entrepreneur libanais. Inutile de parler de conflit d’intérêts. Ce qui aurait pu constituer un scandale ailleurs, est toléré au Gabon.
Seydou Kane, sujet malien, est une autre divinité qui trône dans le secteur du BTP. L’homme est assis sur une mine d’or qui fait saliver ses courtisans qui, chaque jour, inondent sa cour aux fins de profiter de ses largesses.
Ces deux individus, depuis Bongo père et fils, ont bénéficié des passe-droits au sommet de l’Etat. Ces faveurs qui n’ont pas disparu avec l’arrivée des Putschistes au pouvoir, leur permettent d’obtenir des marchés de gré à gré, donc sans passer par des appels d’offres. Cela en totale violation des dispositions juridiques prévues dans le code des marchés publics.
Pendant que Rihan et Kane sont vautrés sur un nuage de bien-être, les entrepreneurs gabonais sont réduits à la sous-traitance. D’où les frustrations que nourrissent certains qui, de temps en temps, donnent de la voix. Accéder aux marchés publics dans le secteur du BTP, suppose un siège social, une surface financière pour le préfinancement des travaux, en attendant que l’Etat, qui ne respecte pas souvent les délais du fait des procédures de financement assez lourdes, ne mette la main à la poche. Certaines PME, dont les comptes en banque sont totalement asséchés, n’ont pour siège social que la banquette arrière de leurs véhicules ou leurs ordinateurs qu’ils trimballent en bandoulière.
Il est vrai que la majorité des PME gabonaises ne remplissent pas les critères imposés. D’où les séminaires de formation de renforcement des capacités entrepreneuriales organisés par la Banque africaine de développement (BAD) qui tient à ce que ses financements profitent aux entrepreneurs gabonais.
Si certaines PME gabonaises ne remplissent pas les critères d’obtention des marchés publics, on compte néanmoins plusieurs qui sont dans les normes, mais qui, curieusement, n’accèdent pas aux grands marchés qui échoient généralement aux majors.
Comment l’économie nationale peut poursuivre son expansion sans la contribution des PME locales? Comment booster le marché de l’emploi et lutter contre la pauvreté si les marchés publics sont confiés à des copains coquins sans passer par des appels d’offres?
Le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) doit s’y atteler.
Elisia Reclus