Auteur du coup d’Etat manqué du 7 janvier 2019, le Lieutenant Kelly Ondo a été libéré avec éclat le 30 août dernier. La date n’a pas été choisie au hasard puisqu’elle marquait également le deuxième anniversaire d’un autre coup d’Etat, celui de Brice Clotaire Oligui Nguema qui a déposé l’ex-président Ali Bongo Ondimba le 30 août 2023. Euphémisé en coup de libération, l’événement a été célébré avec trompettes et tambours dans la province de la Nyanga dans le sud-ouest du Gabon. Une coïncidence pleine de sous-entendus.
Il est sans doute le prisonnier le plus célèbre de ce que les autorités qualifient de 5ème république. Sa libération, savamment orchestrée et qui a alimenté des scoops, directs et autres plateaux spéciaux des médias publics, n’est assurément pas anodine. Ces mêmes médias qui avaient pourtant joué les vierges effarouchées lors du coup d’Etat manqué du Lieutenant Kelly Ondo en janvier 2019, ont finalement trouvé en sa libération, un événement normal qui méritait leur Une.
Toujours est-il que cette libération synchronisée avec le deuxième anniversaire du coup d’Etat du 30 août 2023 que les autorités préfèrent euphémiser en coup de libération, dont les festivités battaient leur plein à Tchibanga, capitale provinciale de la Nyanga (sud-ouest) était loin d’être un simple hasard.
Mieux, elle relevait d’une stratégie poli
tique des autorités qui, malgré une loi d’amnistie adoptée depuis le 12 août dernier, ont préféré attendre plus de deux semaines pour libérer Kelly et ses hommes.
Célébration des coups d’État, la graine de la tentation
Mais au-delà du calcul politique, cette coïncidence de dates, avec toute la mise en scène médiatique et protocolaire qui la caractérise, pourrait être interprétée comme une banalisation, mieux une normalisation de la prise de pouvoir par les armes, un crime pourtant puni par la loi. Sinon, quelle vertu politique et même judiciaire y a-t-il dans la célébration d’un auteur de coup d’État? Kelly Ondo pouvait-il pas être libéré dans la sobriété comme l’ont été les autres prisonniers politiques libérés au lendemain du coup d’État du 30 août 2023 ? Et pourquoi avoir attendu deux bonnes années pour le libérer quand d’autres l’ont été dans les premières heures ayant suivi le coup d’État du 30 août ? Pourquoi n’avoir pas attendu finalement la grâce présidentielle de décembre prochain, comme s’y était engagé le président Brice Clotaire Oligui Nguema, lors de sa campagne présidentielle à Mitzic ? Autant de questions qui en disent long quant à cette impression de normalisation des coups d’État d’autant adulée au Gabon que la pratique est désormais inscrite dans la constitution du pays, notamment en son article 170 qui dispose que les auteurs des événements du 30 août 2019 ne seront ni arrêtés ni condamnés. Doit-on y voir une impunité désormais absolue pour tous les futurs auteurs des coups d’État au Gabon sous le sceau de la libération ? Une chose est certaine, en célébrant ainsi en héros libérateurs, les auteurs des coups d’État, sans peut-être le savoir, les autorités semblent avoir créé là un précédent dont l’écho pourrait encore résonner dans certaines têtes qui ne pourront certainement pas résister à la tentation d’être appelé libérateur.
Leno Koleba





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